Le modèle économique d’une Écocité : vers une a-croissance ou une décroissance

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Par Lauren Rochat

Mots-clés : croissance économique, écocité, Peter Victor, impacts environnementaux, développement

 

La croissance économique nuit au développement des écocités. C’est du moins l’opinion du docteur en économie et professeur en études environnementales à l’Université York, Peter Victor. Ce dernier a expliqué sa prise de position audacieuse lors de son passage au Sommet ÉcoCité à Montréal le 24 août.


Le développement par de nouvelles technologies n’est pas LA solution

Les grands cycles biophysiques gouvernent notre monde. Notre société est pourtant régie par les règles du marché économique mondial, basé sur l’extraction de l’énergie et des matières premières (par exemple, les énergies fossiles ou la biomasse), sans se préoccuper de l’impact de ces énergies une fois consommées. Les effets sur l’environnement dépendent de l’échelle et de l’intensité. L’impact est souvent plus visible dans le local (par exemple, lors de l’extraction minière), mais il est également global. La croissance des sociétés actuelles est fondée sur l’économie de l’énergie fossile à bas prix, ce qui n’est pas un modèle durable. Cette consommation est cependant un fait récent dans l’histoire de l’humanité : cela concerne seulement les 10 dernières générations dans les pays développés.
 


Peter Victor a travaillé dans les enjeux environnementaux depuis près de 40 ans
en tant que chercheur, consultant et fonctionnaire.
Photo de Lauren Rochat. Tous droits réservés.

 

Dans les années 80, l’empreinte écologique de l’Homme a dépassé les capacités de la planète, en lien avec de nouvelles innovations. Par exemple, la morue de l’Atlantique est une espèce en déclin, causée par une surexploitation dans les années 60-70, permises par l’introduction de nouvelles technologies de pêches industrielles.

On peut illustrer ces éléments par une théorie économique : l’effet de rebond. Par exemple, une voiture qui consomme moins d’énergies permet d’épargner. Cependant, cela ne génère pas nécessairement un effet positif : les utilisateurs peuvent l’utiliser d’une manière plus intensive ou dépenser l’argent gagné pour se faire plaisir, par exemple pour partir en Espagne, en avion. Ainsi, l’introduction de technologie plus propre peut avoir des conséquences néfastes, si l’utilisateur investit l’argent gagné dans une autre activité ayant un impact égal ou négatif pour l’environnement. Le développement durable par l’innovation des technologies vertes n’est donc pas l’unique solution.


Une réponse différente : Le modèle « LowGrow Canada »

Le modèle traditionnel d’affaires, le Business-as-usual, ne présente pas un modèle de développement, car il ne tient pas compte des facteurs sociaux et environnementaux. En effet, en utilisant les chiffres de l’ONU indexés à 100 en 2005, ce modèle présente une stagnation de la pauvreté et une augmentation des émissions de GES. Une alternative est toutefois possible avec le modèle de Dr. P. Victor : le « LowGrow Canada ».

Le « LowGrow Canada » présente un scénario où les émissions de GES et la pauvreté sont réduites. Afin d’obtenir ces résultats, il s’agit de redéfinir les priorités :

— en redéfinissant la notion même de réussite;

— en réduisant notre consommation des biens, de matériaux gaspilleurs d’énergie et l’impact sur l’utilisation des sols;

— en fixant un prix du carbone et informant plus les consommateurs;

— en ayant une population plus équilibrée dans la courbe des âges et un plus juste équilibre dans la population active;

— en ayant un stock de capital plus efficace;

— en limitant le temps de travail;

— en finançant plus les programmes d’aide au développement;

— en éduquant nos enfants à vivre et non pour seulement travailler.
 

Ces priorités, s’appliquant autant aux individus qu’aux institutions, devraient générer une meilleure qualité de vie tout en respectant mieux la capacité de la planète, selon le Dr. P. Victor. Actuellement, le métabolisme urbain surconsomme les matières premières dans les intrants, tout en rejetant beaucoup de pollutions, sous forme de pollution (de l’eau ou de l’atmosphère) ou de déchets. Or, aujourd’hui, nous ne sommes plus dans une période économique où la consommation du pétrole est à bas prix : le modèle actuel ne peut donc perdurer.
 

Des villes moins énergivores : Une application concrète dans les PED

Le projet villes-énergies-environnement de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF) a développé plusieurs programmes pour renforcer les capacités des villes dans les domaines des énergies et de l’environnement. Trois projets-pilotes ont été réalisés : à Hô-Chi-Minh, Bamako et Ouagadougou.

Dans des contextes de PED, l’accent a été mis sur l’optimisation de la consommation énergétique pour les bâtiments municipaux et l’éclairage public. Ces projets ont été réalisés en partenariat avec les pays développés de la Francophonie qui ont apporté leur expertise. C’est ainsi que des économies de 20 à 25 % sont réalisées sur les factures d’électricité grâce à une utilisation plus rationnelle de l’énergie dans deux des trois villes ciblées. À Ouagadougou, les résultats escomptés n’ont pas été atteints à cause du manque de ressources humaines sur le suivi du projet. La deuxième phase du projet est aujourd’hui lancée et quatre nouvelles villes des PED de la Francophonie sont en train d’introduire un programme d’efficacité énergétique.
 

Un changement possible?

Selon le Dr. P. Victor, le rôle de la société civile est essentiel pour amorcer un changement : « Il faut changer les discours, notamment celui de la croissance économique. Par exemple, si la Banque du Canada augmente ces taux bancaires, elle devrait se demander quel impact cela aura sur l’environnement et le sociétal avant de prendre une décision ». Mme F. Dia Touré précise que le changement doit venir des individus « C’est à tous les individus d’être les acteurs du changement; ce sont eux qui forment les institutions et c’est à nous tous de faire une différence ».

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