Plan Nord: protection à 50%, de la poudre aux yeux?

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Par Maude Dufour-Gauthier

 

Mots clés: aires protégées, Plan Nord, consultations publiques, biodiversité

«Il n’y a pas un réel engagement de la part du gouvernement, d’interdire l’exploitation industrielle sur 50% du territoire.» Christian Simard, directeur général de Nature Québec doute que les intentions du gouvernement soit sincèrement disposées à protéger la moitié du territoire nordique québécois. 

Selon son discours, le gouvernement de Jean Charest s’est fixé comme cible d’ici 2015, d’arriver à atteindre 17% d’aires conservées sur le territoire du Plan Nord, afin d’atteindre les objectifs internationaux de la convention cadre sur la diversité biologique adoptée à Nagoya, à l’automne 2010. Ce plan «c’est comme nous jeter de la poudre au visage», a clamé Christian Simard. 

Une multitude d’organisations, présentes à l’hôtel Delta de Montréal jeudi soir dernier, pour exprimer leur opinion, dans le cadre de la tournée des consultations publiques concernant la protection de 50% du territoire du Plan Nord, est venue soutenir la position de Nature Québec. Selon Greenpeace et la Société pour la nature et les parcs du Québec (SNAP)au terme du projet, ce n’est que 12% du territoire qui deviendront des aires protégées de catégorie 6, selon l’échelle établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN)).

 

Terres de Réserve de capital nature

En fait, le gouvernement libéral propose une nouvelle catégorie d’aire conservée qu’il nomme «Réserve de capital nature». Cette zone occuperait 5% des 17% déjà planifiés pour 2015, et au terme du projet, 38% des 50% du territoire protégé. Ce concept diffère énormément de la définition des aires protégées produit par l’UICN. 

Sur les territoires de Réserve de capital nature, les activités qui seraient autorisées concernent l’acquisition de connaissances géoscientifiques et l’exploration minière. Tout ce qui touche l’exploitation minière et énergétique sera effectivement interdit. (Bien faire la différence ici, entre exploration et exploitation.) Selon Hugo Lapointe de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, lorsque les activités d’exploration se multiplient, elles produisent tout de même des impacts qui sont non-négligeables.

 

Une gestion écosystémique promise

Cependant, le gouvernement du Québec  dit vouloir s’appuyer sur la Loi sur les forêts et la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, afin de baliser l’exploitation forestière de ces zones de Réserve de capital nature. La gestion serait écosystémique, ce qui signifie que «les pratiques imiteraient les régimes de perturbation naturelle», a assuré Patrick Beauchesne, directeur du patrimoine écologique et des parcs. De plus, selon le sous-ministre adjoint au développement durable, Léopold Gaudreau «l’activité forestière peut être renouvelable, quand elle est fait dans les règles». Pourtant, le domaine scientifique doute énormément de l’efficacité de l’écosystémie en tant qu’outil de gestion. «Aucune preuve n’est encore établie sur le terrain», a critiqué Martin Patenaude-Monette, étudiant à la maitrise et assistant de recherche en biologie et en aménagement de la faune, à l’UQAM.

 

Stop : on arrête tout !

Nicolas Mainville de Greenpeace, a profité des audiences publiques sur le Plan Nord pour réclamer un gel de sa mise en oeuvre. L’organisation militante demande à ce que le territoire réservé pour le 50% des aires protégées, soit clairement défini et étudié avant d’établir un plan d’exploitation. De plus, dans le contexte où le gouvernement Charest songe à amorcer une commission d’enquête sur la corruption dans le milieu de la construction, Greenpeace juge nécessaire de mener à bien ces investigations avant de commencer «le chantier d’une génération». 

«On n’arrêtera pas la terre de tourner», a répliqué, le sous-ministre adjoint au développement durable, Léopold Gaudreau. En effet, le Premier ministre Charest est actuellement en Europe afin de promouvoir sa «sauce verte», a fait remarqué Nicolas Mainville. Ce dernier assure que la crédibilité du gouvernement quant aux aires protégées ne sera pas prouvée «tant que les territoires de la Vallée de la Boadback et celle des Montagnes blanches ne seront pas à 100% des aires protégées de catégorie 6».

 

L’autre côté de la médaille

Jusqu’à maintenant, l’industrie des pâtes et papiers s’inquiète de la proportion de terres forestières dont elles craignent être privées. François Dumoulin, qui représente la firme Abitibi Bowater a d’ailleurs réclamé une étude sur les conséquences socio-économiques du Plan Nord, sur l’industrie forestière du Québec. Pour Nicolas Mainville, c’est toute la culture de la foresterie qui devrait changer. «On devrait exploiter la forêt différemment, dans l’optique, justement, de création d’emplois.» Rappelons qu’Abitibi Bowater et Greenpeace ont établi, en mai 2010, une entente afin d’échanger des connaissances et des points de vue servant ainsi à faire évoluer l’exploitation forestière.

 

D’autres consultations publiques

Les consultations publiques se poursuivront jusqu’au 11 novembre prochain, afin de permettre au gouvernement Charest d’informer les gens de Fermont, Matagami, et Havre Saint-Pierre de ses intentions. Par la suite, une loi qui «confirmera l’engagement gouvernemental, les mesures de mise en oeuvre, les processus de réalisation et les responsabilités des intervenants» devra être votée en Assemblée générale, avant le déclenchement des activités du Plan Nord. 

«Si on a un problème, on verra ça en 2020», a ajouté Léopold Gaudreau, en assurant la révision du plan dans 9 ans. Entre-temps, le gouvernement s’engage à produire un rapport concernant les aires protégées, à tous les cinq ans. 

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