Le ton est donné : l’avenir n’est plus à l’élimination

0

Par Coralie Deny,
Directrice adjointe du Conseil régional de l’environnement de Montréal


 

Mots-clés : Politique québécoise de gestion des matières rédisuelles, biométhanisation, compostage, Québec (province de).

La nouvelle mouture de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles tant attendue est enfin arrivée. Dans un même élan, ont été publiés un Plan d’action quinquennal 2010-2015, plusieurs projets de règlement et le Programme de traitement de matières organiques par biométhanisation et compostage. Avec ces différents outils, il ne fait aucun doute que le Québec est prêt à prendre un virage important dans ce domaine.

« Faire en sorte que la seule matière éliminée au Québec soit le résidu ultime », comme la ministre Line Beauchamp l’a souligné, voici l’un des éléments les plus importants de cette politique. En effet, le flou qui entourait jusqu’ici la définition de « résidus ultimes » permettait d’y inclure tout ce qui n’avait pas été détourné des sites d’enfouissement. Dorénavant, toutes les matières récupérables ou compostables sont exclues de cette définition. La véritable part de résidus ultimes étant estimée entre 10 % et 15 %, nous serions donc en mesure d’aller récupérer environ 85 % de toutes les matières résiduelles produites.

Que nous propose la nouvelle politique pour atteindre ce grand objectif?

 

Place au compost

Les matières organiques, si négligées jusqu’à ce jour, sont enfin à l’honneur. Elles se voient dotées d’un programme de 650 millions de dollars pour financer jusqu’au deux-tiers la construction d’infrastructures municipales de biométhanisation et la moitié de celles de compostage d’ici 2012. Une aide financière sera également accordée aux municipalités pour l’achat de bacs résidentiels spécialisés pour la collecte de ces matières. Les municipalités n’ont donc plus de raison aujourd’hui de ne pas instaurer la collecte à trois voies sur leur territoire.

Fait étrange et plutôt décevant, alors que de gros investissements dans les infrastructures sont faits et que cet objectif a déjà été atteint, voire dépassé par certaines municipalités au Québec, l’objectif de détournement pour les matières organiques est quant à lui maintenu à 60 % pour 2015.

Une bonne nouvelle par contre, les matières organiques seront bannies des sites d’enfouissement d’ici 2020, à commencer par le papier/carton dès 2013.

 

Les producteurs dans la mire

Avec l’ajout d’une deuxième redevance à l’élimination de 9,50 $/tonne, un nouveau message est lancé aux gros producteurs de déchets : les coûts liés à l’élimination vont augmenter. Est-ce suffisant pour inciter les producteurs à privilégier davantage le recyclage et le compostage? Pas sûr. On peut aussi s’interroger sur l’impact de cette mesure pour les nombreuses PME, qui ne produisent que quelques tonnes de matières résiduelles.

Un nouveau règlement est sur le point d’être adopté concernant la Responsabilité élargie des producteurs. Ceux-ci devront dorénavant s’engager à récupérer et valoriser trois nouveaux produits : les piles, les produits électroniques et les lampes au mercure. Bonne nouvelle pour des produits hautement toxiques qui se retrouvent actuellement en très grande quantité dans les sites d’enfouissement. L’ajout de deux nouveaux produits minimum à la liste tous les deux ans à partir de 2011 est également prévu. Souhaitons que ce règlement induise un changement majeur dans la chaîne de production des produits pour les rendre davantage réparables, recyclables et pour leur assurer une durée de vie allongée, excluant enfin le concept d’obsolescence planifiée. Un bémol, cette liste ne prévoit toujours pas l’intégration des encombrants et les produits dangereux.

La nouvelle Politique vise aussi à faire grimper à 100 % le Régime de compensation des coûts de la collecte sélective municipale par les producteurs et distributeurs d’emballage. Une décision très attendue par le monde municipal qui doit gérer tous les emballages post-consommation.

Le Projet de Politique comprend bien sûr beaucoup d’autres mesures (36 actions au total dans le Plan d’action) touchant notamment le financement d’études et de campagnes de sensibilisation. Beaucoup reste donc à dire sur le sujet.

 

La valorisation énergétique ne vaut pas le recyclage ou le compostage

Le projet sur la table possède des atouts certains, mais plusieurs zones grises demeurent. Tout d’abord, la définition tant controversée du terme « valorisation » n’est pas encore établie. Pour bon nombre d’organismes environnementaux, la biométhanisation et le compostage des matières organiques (y compris le papier/carton) ne peuvent se mettre au même niveau que la seule valorisation énergétique, qui fait disparaître totalement la matière. Ceux-ci doivent se retrouver plus haut dans la hiérarchie des 3RV. Le recyclage des matières doit également être la voie à privilégier. Aujourd’hui, le risque de voir 30 % des matières recyclables ou compostables prendre le chemin de la fournaise est encore présent.

 

Peu d’ambition pour le recyclage dans les ICI

Par ailleurs, les objectifs de récupération présentés pour 2015 sont dans certains cas trop conservateurs. Si le taux de 70 % visé par la nouvelle politique pour le papier/carton/verre/plastique/métal, représente une optimisation de 10 % pour le monde municipal par rapport à la politique 1998-2008, il en va autrement pour le secteur des institutions, commerces et industries (ICI). En effet, ce nouveau taux reste le même pour le papier/carton et le plastique et diminue de 15 % (!) pour le verre et le métal. On demande ni plus ni moins aux ICI de faire moins d’efforts qu’auparavant, pour ces matières…

Pour finir, les mesures de réduction à la source semblent timides et parfois manquantes : absence de soutien au réemploi et d’actions pour décourager la mise en marché de produits à usage unique, augmentation de la consigne sur les contenants à usages multiples.

 

Vous avez jusqu’au 23 février 2010 pour émettre vos commentaires sur la Politique et le Plan d’action et jusqu’au 24 janvier 2010 pour le faire sur les différents règlements.


Par Coralie Deny,
Directrice adjointe du Conseil régional de l’environnement de Montréal

Titulaire d’une maîtrise en sciences de l’environnement (UQAM), Coralie Deny travaille depuis 2001 au Conseil régional de l’environnement de Montréal. Directrice adjointe au sein de l’organisme, elle y est responsable des dossiers relatifs aux espaces verts, à la qualité de l’eau et de l’air, et à la gestion des matières résiduelles.

Partager.

Répondre