Les forêts modèles : une vision innovatrice pour l’avenir de nos forêts

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Par Emmanuelle Girard,
Agente de communication à Forêt modèle du Lac-Saint-Jean

Mots-clés : forêt modèle, Service canadien des forêts, Programme canadien de forêts modèles, Programme des collectivités forestières, Réseau international des forêts modèles (RIFM)

 

Le concept des forêts modèles est né au Canada, au début des années 1990. Le désir de gérer autrement la forêt devenait criant, et il était impératif d’inclure une attention égale aux différents aspects environnementaux, sociaux et économiques des forêts. De ce mouvement est né en 1992 Le Programme canadien de forêts modèles, initié par le Service canadien des forêts et le Gouvernement du Canada.

Le Bureau du vérificateur général, dans son rapport d’avril 1999, décrit cette initiative comme suit : « Ces modèles [d’aménagement forestier durable] ont été conçus pour accroître la gamme des utilisations et des avantages tirés des forêts tout en respectant le concept du développement dura

ble ».

Conséquemment, les forêts modèles sont développées sous la forme de sites expérimentaux, où le développement de nouvelles pratiques en milieu forestier est étudié. On les qualifie d’ailleurs de « modèles », car c’est grâce à leurs expériences que « d’autres peuvent apprendre et poursuivre leurs objectifs en matière de durabilité » (RCFM, modelforest.net). Chaque forêt modèle est un terrain neutre où les différents intervenants du milieu forestier peuvent se réunir et échanger à différents niveaux, malgré leurs divergences d’intérêts et d’opinions. Elles visent également à augmenter le pouvoir et l’implication des citoyens canadiens dans la gestion de leur territoire forestier.

 

Le Réseau international des forêts modèles (RIFM) définit la raison d’être des forêts modèles comme suit :

« La philosophie des Forêts Modèles consiste à surmonter trois obstacles fondamentaux à la mise en pratique du développement durable :

  1. Le besoin de reconnaître toutes les valeurs représentées par les écosystèmes de la forêt. Dans le passé, les débouchés économiques que les forêts [offraient]à court terme étaient considérés comme leur valeur centrale, et ce, au détriment de toutes les autres valeurs qui étaient vues comme des contraintes nuisant à la capacité d’exploiter les produits économiques. Toutefois, nous reconnaissons de plus en plus la nécessité d’employer une approche intégrée pour gérer la conservation de tous les biens et services représentés par les forêts.
     
  2. Le besoin d’établir une vision commune et un ensemble d’objectifs partagés par toutes les parties intéressées à la forêt. L’époque est révolue où les institutions, les collectivités, les industries et les divers ordres de gouvernement poursuivaient leurs objectifs isolés les uns des autres. Il est désormais nécessaire d’adopter une approche marquée par le partenariat et la poursuite d’un but commun.
     
  3. Les attitudes et les connaissances du public. Il importe d’éduquer et de sensibiliser le grand public aux valeurs des forêts pour trouver des solutions aux problèmes de la dégradation des forêts et de l’inégalité sociale ainsi que pour assurer une croissance économique à long terme. Les fermiers, les travailleurs forestiers, les dirigeants communautaires, les chasseurs, les pêcheurs et les entreprises locales doivent connaître la forêt et comprendre les conséquences de leurs activités sur sa durabilité.»

C’est en 1992, que le P

remier Ministre du Canada de l’époque, Brian Mulroney, annonça à la communauté internationale la création des forêts modèles en sol canadien. Il profita de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement à Rio de Janiero pour inviter d’autres pays à se joindre à cette initiative et à créer leurs propres forêts modèles. Cet appel à fait son chemin : on compte aujourd’hui plus de 50 forêts modèles en opération dans 20 pays, et leur nombre continue d’augmenter. De plus, afin de solidifier les liens entres elles, les forêts modèles se sont dotées de différents réseaux : le réseau canadien, le réseau africain, le réseau régional – Asie, le réseau ibéro-américain, le réseau méditérranéen, et la Russie avec l'Europe du Nord. Tous ses réseaux sont en interaction entre eux grâce au RIFM, qui se réunit, tous les trois ans, sous la forme d’un forum global où les forêts modèles de la planète sont invitées à se rencontrer et à échanger. La dernière rencontre a eu lieu à Burgos, en Espagne, en mars 2011 et une forêt modèle bien de chez nous y a participé : la Forêt modèle du Lac-Saint-Jean.

 

La Forêt modèle du Lac-Saint-Jean (FMLSJ)

Les « bleuets » eurent la chance de voir arriver chez eux le concept des forêts modèles en 2007. Sélectionnée par le Programme des collectivités forestières (PCF, anciennement le Programme canadien des forêts modèles), cette initiative regroupe trois partenaires principaux : la  MRC Maria-Chapdelaine, la MRC Domaine-Du-Roy et le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean. FMLSJ a été initiée par la motivation de mettre en commun l’expertise développée au cours des dernières années afin de trouver des opportunités communes liées aux ressources du milieu forestier, tout en poursuivant le travail de mise en valeur du territoire forestier d’appartenance. Le concept de forêts modèles s’avérait être un outil idéal pour réaliser ces objectifs.

Plusieurs organisations sur le territoire de FMLSJ sont impliquées, notamment la Coopérative de solidarité forestière de la Rivière-aux-Saumons, l’Agence de gestion intégrée des ressources, le Comité forêt et environnement St-Thomas-Didyme, la Société d

e développement économique Ilnu et bien d’autres. Formant « l’expertise collective » (professionnels du milieu qui conçoivent et mettent en action les projets de FMLSJ), ces organisations sont appelées à collaborer entre elles et à laisser leur intérêt personnel de côté le temps de servir les intérêts de la collectivité (à travers FMLSJ). Ce concept, basée sur une gestion intégrée des ressources, favorise le partenariat intercommunautaire et le respect des droits consentis aux divers intervenants du territoire. Il vise notamment à faciliter la transition vers le nouveau régime forestier qui entrera en vigueur au Québec en avril 2013.

FMLSJ a identifié quatre thématiques de travail pour réaliser ses activités de recherche et d’expérimentation : les produits forestiers ligneux, les produits forestiers non-ligneux,  la faune et la biodiversité, puis le patrimoine et le tourisme. Depuis 2007, plus de 34 projets ont été réalisé et 11 sont actuellement en cours de réalisation (investissement annuel d’environ 375 000$). Certains des résultats incluent l’expérimentation de la production du sirop de bouleau du Lac-St-Jean, une étude sur l’entrepreneuriat forestier autochtone (menant à la création de plusieurs emplois dans la commmunautés de Mashteuiatsh), la caractérisation des sites dégradés et improductifs (partenariat avec Carbone Boréal, initiative de l’UQAC), la mise en place d’une veille stratégique sur la biomasse forestière (publiée sur le site internet de FMLSJ), l’évaluation du potentiel de champignons forestiers comestibles sur le territoire de FMLSJ, à l’origine de la création du Guide des champignons forestiers comestibles du Lac-St-Jean (écoulé à plus de 2000 exemplaires !) et qui a inspiré la naissance d’une AEC au Cégep de St-Félicien sur la formation de cueilleurs de champignons forestiers.

FMLSJ s’implique également à l’international, principalement au Cameroun, avec la mise en place de structures et de modes de gouvernance fonctionnels au sein des Forêts Modèles de Dja & Mpomo et Campo Ma’an et pour le Réseau African de Forêts Modèles (RAFM).

En constante évolution, elle outille fièrement les intérêts de ses communautés locales afin de les aider à vivre autrement de la forêt. Une fois de plus, les « bleuets » innovent avec ce projet qui créé des liens et des opportunités, là où n’on avait pas l’habitude d’en voir.

 

L’avenir des forêts modèles canadiennes

La plupart des forêts modèles canadiennes sont financées grâce au Programme des collectivités forestières de Ressources naturelles Canada. Renouvelé aux cinq ans, ce programme prend fin le 1er avril 2012. Pour l’instant, le gouvernement canadien n’a toujours pas annoncé qu’il allait reconduire le programme, alors l’avenir des forêts modèles du Canada est incertain. Certes, elles pourront toujours continuer à fonctionner grâce au financement privé, mais l’apport financier du gouvernement est un élément clef nécessaire au bon fonctionnement de celles-ci. En tant que créateur des forêts modèles sur la scène internationale, le Canada a su s’imposer comme vétéran international depuis plusieurs années. Choisira-t-il de le rester ?

 

 

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